En 1798, 40000 hommes venus de France débarquent à Aboukir. C’est le début de la campagne d’Égypte menée de 1798 à 1801 par Napoléon Bonaparte pour affaiblir l’Angleterre en touchant sa puissance commerciale. En dépit de quelques victoires ce sera un désastre. La flotte anglaise de l’amiral Nelson détruira les vaisseaux français restés dans la rade d’Aboukir rendant tout retour en France impossible. L’armée française prisonnière de sa conquête sera finalement victime d’une épidémie de peste. Mais Napoléon a su habilement jouer de la propagande pour détourner à son profit l’échec et cette campagne contribua à son prestige et à la naissance de l’égyptologie grâce aux savants qui l’accompagnèrent. C’est le 19 juillet 1799 qu’un officier de l’armée française d’Orient découvre à El-Rashid, ville d’Égypte dans le Delta du Nil, mieux connue en Occident depuis les croisades sous le nom de Rosette, une stèle tronquée de 112 cm de hauteur sur 76 cm de large et 28 cm d’épaisseur portant trois versions d’un même décret pris en 196 av. JC, en faveur de Ptolémée V, par l’assemblée des prêtres égyptiens réunis à Memphis. Les soldats qui la dégagent ont beaucoup de mal à relever la pierre qui pèse un peu plus de 760 kg ! Cette fameuse pierre, appelé “Pierre de Rosette” est rédigé en caractères grecs, démotiques ( langue populaire de l’Égypte antique) et hiéroglyphiques, fournissant enfin une base rationnelle au déchiffrement: le sens du texte grec permettra désormais de contrôler la validité des hypothèses qui seront émises. En janvier 1800, la Pierre de Rosette fut revendiqué par les Anglais après la défaite du corps expéditionnaire français: elle est aujourd’hui exposé à Londres au British Museum et un moulage en a été offert au musée de Figeac, ville de naissance de Champollion où il figure à la place d’honneur. Mais 20 ans après sa découverte le mystère des hiéroglyphes reste entier.
La pierre de Rosette a été trouvée par hasard, le 19 juillet 1799, dans une forteresse en mauvais état que les soldats français devaient consolider, appelée Fort Julien situé dans le village de Rachid.
Les hiéroglyphes sont pour la plupart d’entre nous un obscur charabia. Et bien, à l’époque des pharaons, ils sont aussi indéchiffrables pour 95 % des Égyptiens! Les premières traces des hiéroglyphes apparaissent sur des poteries datées de 3300 ans avant notre ère. Celle-ci se compose d’abord de pictographes, signe d’appartenance ou de destination de l’objet puis elle évolue rapidement vers les idéogrammes ,c’est-à-dire la représentation de concepts complexes. C’est tout d’abord une écriture officielle et sacrée principalement destinés aux monuments. La tradition égyptienne veut que cette écriture a été inventé par le dieu Thot qui en a fait don aux hommes. Du reste, le mot hiéroglyphe vient du grec hiero “ sacré” et gluphein ”graver”. Écriture subtile et variée elle demande plusieurs années d’apprentissage aux prêtres et aux Scribes. Près de 700 phonogrammes sont répertoriés, chacun représente une syllabe. Mais impossible de s’en passer: chaque année, les crues du Nil efface toutes les limites des parcelles agricoles et il faut les recalculer et les inscrire, grâce aux hiéroglyphes, sur des documents officiels afin d’évaluer les impôts. Il n’existe pas de sens de lecture des hiéroglyphes. La manière de les lire est indiquée par la représentation humaine ou animale, dont le visage est tourné dans la direction du commencement du texte.
Doué d’une intelligence vive l’égyptologue français Jean-François Champollion (1790- 1832) découvre très jeune l’importance des civilisations orientales et notamment celle de l’Égypte. Il étudie le copte et présente à 16 ans un “mémoire sur la géographie, la religion, la langue, les écritures et l’histoire de l’Égypte”. Dès 1808 il démonte patiemment et avec une rigueur mathématique le mécanisme de l’écriture hiéroglyphique grâce au texte grec et démotique inscrits sur la Pierre de Rosette parallèlement à l’inscription hiéroglyphique. Les fruits de ces recherches sont d’abord une grammaire du copte, dernière forme du parler pharaonique, puis des mémoires sur le démotique. En 1821, après plus de 10 ans d’une travail acharné, c’est finalement l’obélisque de Philae qui lui permettra en lisant les noms de Ptolémée et de Cléopâtre de corroborer ses premières recherches sur la pierre de Rosette et pénétrer les arcanes de l’écriture sacrée à laquelle il arrache définitivement son secret. Il ne lui reste plus qu’à transposer et à décoder les hiéroglyphes de cette stèle de granodiorite noire. Un an plus tard, le 14 septembre 1822, Jean-François Champollion se précipite chez son frère Jacques-Joseph pour lui annoncer qu’il est parvenu à déchiffrer entièrement l’écriture des hiéroglyphes. A partir de ce moment l’histoire du monde se trouve nouvellement éclairée et l’homme moderne comprend ce qu’il doit à la lointaine civilisation des rives du Nil où les Grecs eux-mêmes était venu d’élargir leur savoir et leur sagesse.