Qui n’a jamais entendu parler du mystérieux Moulin Rouge, ce lieu de débauche et de passions incontournable de la Ville Lumière? A la fin du 19ème siècle, sur la butte Montmartre, l’effervescence religieuse de la basilique Notre-Dame du Sacré-Cœur côtoie quotidiennement l’effervescence artistique des cafés concerts et des cabarets. Sous le Second Empire, les caf’conc triomphent. Les pires endroits sont surnommés les « beuglants » d’autres évoluent vers l’opérette à grand spectacle ou vers les célèbres revues parisiennes » aux jolies danseuses court vêtues. C’est là, au pied de la butte Montmartre alors que l’exposition universelle se termine que le 6 octobre 1889 le Moulin Rouge ouvre ses portes à grand renfort de publicité.
Construit sur les ruines du Bal de la Reine Blanche ce nouveau Music-hall parisien ne passe pas vraiment inaperçu. Le public découvre un lieu extravagant : une gigantesque piste de danse, des miroirs partout, un jardin agrémenté d’un énorme éléphant et surtout une folle ambiance autant sur scène que dans la salle. A l’intérieur de l’une des pattes de l’éléphant géant, apparait régulièrement une danseuse du ventre, offrant son ventre et sa danse aux hommes pour un franc.
C’est là que les aristocrates et bourgeois dansent aux côtés des artistes et voyous de Paris, dans un lieu où la nuit n’est que le début d’une grande fête interminable. Leurs regard s’échangent, se dévisagent, entrent dans ce nouveau lieu de plaisir. La femme y est reine, un palais s’érige pour elle, pour la musique, pour célébrer toutes les couleurs de la fête, inventer les plus beaux spectacles de femmes.
Les maîtres des lieux, un ancien boucher nommé Zidler et les frères Oller, des entrepreneurs en spectacles ont fait d’un simple établissement un paradis terrestre. Usant avec habileté de son portefeuille, Zidler parvint à débaucher plusieurs vedettes de l’Elysée-Montmarte, en particulier la Goulue et Grille d’Égout, danseuses dont la renommée allait dépasser les frontières.
La Goulue (1865-1929) était passionnée de danse. Engagée par Joseph Oller pour «mettre le feu aux planches avec son cancan» (ou quadrille) elle se fit vite donner le titre de «reine du Cancan et fut réputée pour ne pas avoir la langue dans sa poche» lui occasionnant quelques prises de bec avec ses partenaires de danse! Ces danseuses des premières années du Moulin-rouge durent toutefois partager leur gloire avec un « avorton à tube » (de peinture…) dont le talent allait immortaliser l’établissement : Henri de Toulouse-Lautrec. Infirme et de petite taille suite à une maladie osseuse de naissance, Toulouse-Lautrec vécut pour son art. Dessinateur, peintre, lithographe, et affichiste il s’installera à Montmartre à Paris en 1887 et devient rapidement le peintre de la vie nocturne, des cabarets et des bars. Le peintre se plaisait à observer et à croquer les évolutions des quadrilleuses affublées de croustillants surnoms: Nana la Sauterelle, Demi Siphon, Georgette la Vadrouille, Mimi patte en l’Air… sans oublier l’inévitable Goulue et son partenaire attitré Valentin le désossé. En 1890 Lautrec peignait son tableau intitulé « La danse du moulin rouge » et l’année suivante, il exécutait pour le Moulin la fameuse affiche qui du jour au lendemain lui confédérait la célébrité.
Bien entendu, qui parle du Moulin Rouge se doit de parler du French Cancan, cette danse où les femmes exposent fièrement leurs jambes et leurs robes à froufrous à un rythme d’enfer. Les grandes pales du Moulin se lèvent et tournent en rouge, annonçant les jambes qui s’élèvent vers le ciel, faisant tourner les têtes et les robes du French cancan. C’est peu dire que les messieurs rentraient chez eux avec des étoiles dans leurs yeux… et dans leurs rêves!.
Quadrille « Au Moulin Rouge, les huit danseuses du quadrille relèvent la jupe qu’elles tendent bien sur leurs hanches. Puis elles repoussent leurs dessous d’un geste professionnel et partent ensemble du même pied. Je regarde flotter dans une atmosphère alourdie de vapeurs, de larges et vives tombées de guirlandes, de fleurs et de drapeaux. Un mouvement très lent fait osciller de telles richesses. Les lampes électriques ont des feux diversement colorés qui ne donnent finalement qu’une intense clarté de saphir, chaude et brillante ou de minces fumées de cigarettes s’embrouillent. Les danseuses arrives de front sur le rythme d’instruments aigus. c’est une vague dont l’écume tourbillonne, c’est une vague qui s’épanouit en huit roses blanches aux longs pistils agiles et noirs. La vague retombe sur ses pieds. La silhouette des femmes se détache un moment nette et cambrée sur le fond flou. » Francis Carco -(1886-1958) Poèmes en prose. 1913
Moulin Rouge : cette comédie musicale américaine à succès où se mêlent sexe, drogue et french cancan est sortie en 2001 est réalisée par Baz Lurhmann. Elle met en vedette la fabuleuse Nicole Kidman et l’irrésistible Ewan McGregor dans le Paris de la Belle époque au Moulin-rouge. Applaudi par le public cette comédie musicale est entrée dans les annales du cinéma.
Et aujourd’hui? Le Moulin Rouge demeure une attraction très populaire de Paris et est encore bien actif. Le plus célèbre cabaret du monde perpétue la tradition du French Cancan de la Goulue ou de Valentin le Désossé, et du Music-hall et offre toujours et encore «ses soupers spectacles». Cet établissement qui a traversé les époques, les modes, les styles de spectacle a vu grandir des vedettes et des légendes du monde des arts: Mistinguett, Jean Gabin, Charles Trenet, Yves Montand ou Charles Aznavour y ont fait leurs débuts. Il n’y a pas à dire, le Moulin Rouge fait partie de Paris et de l’Histoire!
