En 1919, au sortir de la première guerre mondiale l’Alsace et la Lorraine redeviennent des provinces françaises et pour éviter les traumatismes d’une nouvelle invasion, semblable à celles de 1870 et de 1914, le gouvernement français conscient du caractère éphémère des garanties du Traité de Versailles étudie la construction d’un système défensif moderne le long des frontières avec l’Allemagne et l’Italie pour protéger ces territoires. Une « Commission de Défense du Territoire » est créée et dès 1928 débute la construction de la « muraille de France » à l’initiative de Paul Painlevé, Ministre de la guerre, qui en pose la première pierre puis de son successeur André Maginot, qui le 14 janvier 1930 fait voter une loi accordant un crédit de 2.900 millions sur 5 ans nécessaires à la réalisation de la plus grande partie des fortifications que la France est en train de réaliser sur ses frontières orientales. Ce vote qui sera voté avec 90% des voix par le parlement sera le début de la plus vaste construction défensive française. La presse s’en empare, le débat est houleux et le nom de “Ligne Maginot” est lancé.
Quand la Grande Guerre éclate, André Maginot s’engage comme simple soldat dans le 44e régiment d’infanterie alors qu’il était avant 1914, Secrétaire d’État. Commandant un groupe d’éclaireurs volontaires, il dirigera plus de 50 patrouilles, fournissant de façon constante, au milieu des plus grands dangers, les renseignements les plus sérieux sur la situation ennemie. Grièvement blessé le 9 novembre 1914 au cours d’une reconnaissance périlleuse, ses hommes se firent presque tous tuer ou blesser en le défendant. Après 8 heures de lutte, les survivants parvinrent à le ramener dans les lignes françaises. En novembre 1929, André Maginot, ancien héros de la Guerre 1914/1918 succèdera à Paul Painlevé au Ministère de la Guerre. A ce poste il accomplira une œuvre considérable: réorganisation de l’armée, loi sur les 18 mois de service, loi sur les pensions civiles et militaires, transfert du Soldat inconnu à l’Arc de triomphe. Il disparait en 1932 emporté par la typhoïde et ne verra pas la fin des travaux de cet ouvrage grandiose mais qui sera finalement inutile.
Dans le Nord, les premières fortifications sont achevés en 1934: ces ouvrages puissants, bien équipés et extrêmement coûteux, défendent les régions de Metz et de la Lauter. Entre ces deux régions, s’étend sur 40 kilomètres environ, la “trouée de la Sarre” qui se situe face au territoire de la Sarre, détaché de l’Allemagne par le traité de Versailles en 1919 et qui est donc une “porte d’entrée” potentielle pour l’ennemi. A l’origine les travaux devaient durer trois ans, mais la fièvre de la construction, relancée en 1935 par Daladier se poursuit jusqu’en 1940 dans le Midi notamment dans les Alpes où les conditions d’altitude et de climat retardent les chantiers. Le terme de “ligne Maginot” désigne le système entier mais on le limite souvent uniquement aux défenses frontalières avec l’Allemagne. Les défenses contre l’Italie sont également appelées ligne alpine. Sur plus de 700 kilomètres un monde souterrain s’organise, à une profondeur de 12 à 30 mètres, d’où n’émerge que les postes de guet et les organes de tir supposés apporter une couverture parfaite des frontières françaises.
A l’intérieur des plus grands ouvrages, des trains électriques relient les blocs d’artillerie aux soutes à munitions et au casernement. De leur côté du Rhin, face à la ligne Maginot, les allemands construiront la ligne Siegfried. Son édification qui débute en 1936 se poursuivra jusqu’en 1938-1940. Appelée Westwall ou “mur de l’ouest”, elle s’étendra sur plus de 630 km de Bâle à Aix-la-Chapelle. Rapidement populaire et objet de propagande, ce “bouclier de l’Est” fait de de béton et d’acier devient une figure familière dans l’imaginaire des Français, le symbole de l’inviolabilité du territoire, que cultivent politiques, journalistes et cinéastes. La ligne Maginot incarne pourtant les errances de la stratégie défensive française, obsédée par le souvenir de l’avancée de l’infanterie allemande en 1914. Ses blockhaus souterrains reliés à des casemates hérissées de canon et de mitrailleuses doivent pourtant arrêter les chars et l’artillerie.
Siegfried est un guerrier de la mythologie germanique ne connaissant pas la peur et qui a accompli de grandes prouesses. Ce mythe deviendra épopée nationale allemande.
Mais ce système n’a pas de profondeur: discontinu et souvent rudimentaire, cette ligne laisse sans défense tout le nord du pays, et les Ardennes, jugées infranchissables, ne sont défendus que par quelques “maisons fortes” ce qui rendra le dispositif inefficace lors de l’offensive allemande au début de la seconde guerre mondiale malgré la glorieuse résistance de mai-juin 1940. En outre, elle est financée au détriment d’armements modernes qui feront défaut à l’armée française et conforte le haut commandement français dans son choix d’une stratégie purement défensive. En 1940 Les Allemands prendront donc à revers cette forteresse redoutable qui sera rarement attaquée de front, et les Français évacueront les forts après avoir détruit leur armement qui ne peut tirer vers l’arrière. La Ligne Maginot, était censée stopper net l’avancée de l’armée allemande, mais l’Histoire écrira une page différente et les nombreux forts de la Ligne Maginot ne subiront pas les attaques pour lesquelles ils étaient conçus.
Le fort de Schoenenbourg, classé intégralement à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques est le plus grand ouvrage de la Ligne Maginot ouvert au public en Alsace. Plus de 40000 visiteurs découvrent tous les ans ses installations depuis 1978. La ligne Maginot tombera complètement dans l’oubli après la Seconde Guerre mondiale et sera abandonnée par les militaires dans les années 1960. Subissant les outrages du temps elle renaitra de l’oubli quand Roger Bruge, journaliste et écrivain, publiera a la fin des années 70 plusieurs livres relatant les divers combats de la ligne fortifiée. Depuis de nombreuses associations se sont crées, restaurant et aménageant pour mettre en valeur ces témoins de l’architecture militaire des années 30-40 et préserver la mémoire de ce petit morceaux de l’histoire de France.