Chaque année, le paludisme, maladie parasitaire due à un protozoaire parasite de genre Plasmodium et transmis par la piqûre d’un moustique, l’anophèle femelle, provoque dans le monde entre 400 et 450 millions de cas de maladie et entraîne le décès de plus 300000 enfants. Près de la moitié de la population mondiale est exposée au risque de paludisme. Connue en Europe par les médecins depuis l’Antiquité sous le nom de “fièvre intermittente” cette maladie fera des ravages durant longtemps et se diffusera ensuite aux Amériques avec le développement du commerce d’esclaves. Endémique au moyen-âge dans les régions marécageuse en Italie (jusqu’à l’assèchement de ceux-ci pendant la période fasciste) en raison des moustiques qui y pullulent cette maladie en tire d’ailleurs son nom car le terme malaria vient de l’italien mal aria qui signifie « mauvais air » (et en français paludisme, c’est à dire maladie des marécages), l’homme ayant longtemps cru que l’air malsain de ces régions était le responsable de la maladie. Jusqu’au début du XXe siècle, on pensait en effet que la malaria était provoquée par les effluves des marécages. Cela n’était qu’en partie véridique car nous savons aujourd’hui que tout comme la fièvre jaune, cette maladie est transmise par certains moustiques très présents en zone marécageuse.
Si certains l’appellent malaria, c’est sous le nom de paludisme que cette maladie parasitaire, potentiellement mortelle, est plus connue. Sa transmission se fait par la piqûre d’un moustique de type anophèle mais seules les femelles sont capables de transmettre la maladie qui “piquent” leurs victimes car elles ont besoin de sang pour pouvoir pondre leurs oeufs. De façon moins courante, le Plasmodium peut aussi être transmis au cours d’une transfusion sanguine ou entre la mère et l’enfant à la fin de la grossesse. Parmi les 5 espèces de parasites causant le paludisme chez les humains, Plasmodium falciparum est le plus dangereux. Cette affection détruit les globules rouges et peut atteindre le foie lorsqu’elle n’est pas prise en charge précocement. Le paludisme reste aujourd’hui la maladie parasitaire la plus répandue dans le monde et reste au premier rang des priorités de l’OMS.
Il faudra attendre l’année 1880 pour qu’un Français Charles-Louis-Alphonse Laveran, médecin militaire en Algérie (entre 1878 et 1883) mette en évidence le parasite responsable du paludisme qui fait de nombreuses victimes dans l’armée coloniale française, Plasmodium, dans le sang des malades. Par la suite, d’autres chercheurs vinrent confirmer qu’il avait raison. Ce fut le cas notamment du Britannique Ronald Ross (1857-1932), major dans l’Indian Medical Service, qui découvrit que les moustiques étaient bien les transmetteurs de la malaria. Après des recherches de grande envergure où il dissèque toutes sortes de moustiques, il finit par trouver dans l’estomac de l’anophèle les bâtonnets pigmentés noirs que le français Laveran avait déjà décrit comme étant l’agent causal de la malaria quelque quinze ans plus tôt. Cette découverte est faite le 20 août 1897, jour que Ronald Ross nomme Mosquito Day. Peu de temps après l’Italien Battista Grassi arrivera aux mêmes conclusions. Ces deux chercheurs furent récompensés pour leurs travaux par le prix Nobel, Ross en 1902 Laveran en 1907.
Son empreinte a changé le cours de l’histoire, touchant aussi bien les foules que de nombreuses grandes figures de l’histoire. Si la malaria n’était alors pas connue, la description détaillée de la maladie et de la mort de ces personnages historiques ne laisse aucun doute quant au diagnostic. L’existence de fièvres maligne pouvant évoquer le paludisme fut rapporté dès l’invention de l’écriture et mentionné en Inde dans des textes védiques de 1600 avant JC et par Hippocrate au Vème siècle avant JC. Le paludisme est ainsi responsable de la mort de Toutânkhamon, d’Alexandre le Grand et de Genghis Khan, mais encore du poète Italien Dante Alighieri mort à Ravenne en 1321 ou plus récemment du célèbre cycliste Italien Fausto coppi en 1960.
Il faudra attendre le XVIIème siècle pour qu’un traitement à cette maladie apparaisse en Europe à travers la poudre des Jésuites. Cette poudre extrait de l’écorce du Cinchona (arbuste également connu sous le nom de quinquina ou Kina) était ramenée du Pérou par les Jésuites et faisait baisser la fièvre de façon extraordinaire. Ce n’est qu’en 1820 que deux français Caventou et Pelletier, tous deux fils de pharmacien parviendront à en isoler le principe actif: la quinine. Jusqu’à la mise au point de traitements antipaludéens de synthèse, la quinine resta le seul traitement contre cette maladie.
Aujourd’hui de nombreux médicaments antipaludéens sont mis au point par les groupes pharmaceutiques, et c’est plus que nécessaire car le plasmodium fait preuve d’une capacité étonnante à développer une résistance aux produits administrés. Mais le diagnostic du paludisme et son traitement précoce de la maladie en réduisent l’intensité et permettent qu’elle ne devienne mortelle contribuant ainsi à réduire la maladie. C’est ainsi que le taux de mortalité du paludisme est en baisse depuis quelques années. L’usage de moustiquaire à imprégnation durable d’insecticides qui assurent une protection individuelle contre les piqûres de moustiques est aussi un élément de la lutte contre le paludisme protégeant les populations les plus exposés en particulier les jeunes enfants et les femmes enceintes qui sont particulièrements exposées au paludisme dans les zones à transmissions intenses. Si en 2017 plus de 400000 personnes sont mortes du paludisme, la mortalité pourrait bien chuter drastiquement grâce à la découverte d’une mutation du génome de l’anophèle qui le rend résistant aux parasites du paludisme. Mais pour cela il faudrait déjà arriver à répandre cette mutation dans la nature.