La Cité interdite ou la cité pourpre interdite est le nom donné par les Occidentaux au palais impérial des dynasties Ming et Qin, en référence à la résidence des empereurs Chinois dont l’accès était interdit au peuple et que les Chinois nomment – le palais ancien – ou le palais des Ming et des Qing (清). Toute personne extérieure à la cité interdite et essayant d’y pénétrer était immédiatement exécutée.
En mandarin, le nom complet de la cité interdite est la – cité pourpre interdite -, le pourpre étant la couleur dominante des palais qui composent cet immense ensemble et le symbole de l’étoile polaire. Située dans la partie nord du centre de Pékin, la cité interdite est un vaste complexe architectural, une ville dans la ville, où vécurent les empereurs Chinois et leurs épouses, leurs familles et leurs serviteurs, les eunuques et les concubines.
1- La construction
La construction de cette cité fût ordonnée par Yongle, 3ème empereur de la dynastie des Ming. Construite de 1406 à 1420, soit sur 14 ans seulement, ce qui est très court pour l’époque et compte-tenu de l’immensité de l’ensemble, la cité représente une superficie de 72 ha, comporte 50 ha de jardins et fait partie des palais les plus anciens et les mieux conservés de Chine.
La cité interdite fait 960 mètres de long du nord au sud sur 750 mètres de large d’est en ouest. Elle est entourée d’une muraille de 10 mètres de haut sur 6 mètres de large couronnée de tuiles jaunes (couleur de l’empereur), elle-même cernée de douves de 52 mètres de large.
Ainsi, peut-on affirmer que les empereurs étaient protégés et confinés dans un espace dont ils ne sortaient qu’en de très rares occasions. La cité interdite comporte 8 704 pièces et non 9 999 comme le dit la légende, le chiffre 9 999 étant un idéal de perfection, et le nombre 9, symbole de longévité.
1 million d’ouvriers esclaves travaillèrent à sa construction sur les plans de l’architecte Cai Xin et de l’eunuque Ruan An assistés par deux ingénieurs en chef.
Pour accéder à la cité interdite, on emprunte une des 4 portes (une au sud, une au nord, une à l’est et une à l’ouest). La porte principale sur la place Tian an men (place de la paix céleste) comporte un balcon sur lequel Mao Zedong (Mao Tsé Toung) a proclamé la République Populaire de Chine le 1er octobre 1949.
Cette cité est composée de 2 cours principales et de nombreuses cours latérales :
– La cour extérieure dans la partie sud correspond à la partie officielle de la cité où les empereurs recevaient les ministres, les dignitaires et les fonctionnaires et où étaient tenues les grandes cérémonies officielles.
– La cour intérieure dans la partie nord correspond à la partie privée de la cité et on y trouvait le cabinet de travail des empereurs ainsi que les appartements de la famille impériale et des concubines.
…. et d’une rivière artificielle appelée – rivière aux eaux d’or – qui sert de décoration et de réservoir d’eau en cas d’incendie.
Construite selon les principes du feng shui (en mandarin – feng = vent et shui = eau -), art millénaire chinois qui vise à harmoniser l’énergie environnementale, la cité interdite est pavée par plus de 12 millions de briques.
Les principaux matériaux utilisés pour sa construction sont :
-Les pierres des environs de Pékin
-Le marbre de Shanghai
-Le bois des provinces du Yunan et du Sichuan
-Les briques de la province du Shandong
La cité repose sur des fondations de roche blanche extraite des carrières de Fangshan qui se trouvent à plus de 70km de Pékin. Pour transporter avec le minimum d’effort et le plus rapidement possible cette roche dont certains morceaux pèsent plus de 100 tonnes, un habile système de routes de glace artificielle fût établi grâce à des puits creusés tous les 500 mètres le long du parcours et dans lesquels l’eau, qui gelait sur les routes, était puisée. Il suffisait ensuite de charger la roche sur des traineaux qui glissaient facilement et à vive allure sur les routes !
2 – La cité interdite aujourd’hui
Maintes fois détruite et reconstruite, réduite en cendres en 1664 par les envahisseurs Mandchous, la cité interdite, ouverte au public en 1924 et telle qu’on la visite aujourd’hui, comprend de nombreux pavillons ou palais qui datent du XVIIIème siècle ainsi que plusieurs temples et chambres royales bouddhistes.
Ces pavillons, aux noms évocateurs, avaient chacun, du temps des empereurs, une fonction bien précise :
-le palais de l’harmonie suprême pour les grandes cérémonies : couronnements, anniversaires, annonces des résultats aux examens impériaux et réception des lauréats et les fêtes les plus importantes de l’année : nouvel an, ….
– le pavillon de la gloire littéraire qui servait de bibliothèque
– le palais des prouesses militaires (sans commentaire !)
-le palais de la pureté céleste, chambre à coucher de l’empereur
-le palais de l’union
-le palais de l’abstinence où l’empereur jeûnait avant d’effectuer un sacrifice au ciel
– le pavillon de la tranquillité terrestre où habitait l’impératrice
– le palais de l’harmonie parfaite où l’empereur se préparait pour les cérémonies
– le palais de l’harmonie préservée où l’empereur donnait les banquets, …..
Les pavillons recèlent des trésors impériaux et une grande quantité d’œuvres d’art, au total plus d’1 millions d’œuvres : peintures, bronzes, céramiques, laques, brûle-parfums en bronze et en cloisonné, encensoirs, terres cuites, reliques anciennes, calligraphies, trônes, ….. et ce, malgré les pillages perpétrés par l’armée japonaise puis par le Guomindang qui a emporté de nombreuses merveilles de l’art ancien chinois, en 1949, lors de sa fuite à Taïwan.
On y voit également les objets de la vie quotidienne : chaises à porteurs, articles de toilette, pots de chambre, vaisselle, …. utilisés par la famille impériale et de nombreux documents tels que croquis, maquettes, rapports, sceaux impériaux gravés dans le jade et archives qui sont les extraordinaires témoignages des lois et règlements de la vie dans la cité interdite.
La cité interdite est inscrite depuis 1987 au patrimoine mondial de l’UNESCO.
3-La vie dans la cité interdite du temps des empereurs
De 1420 à 1911, 24 empereurs ont vécu dans cette cité dont 14 de la dynastie des Ming et 10 de la dynastie des Qing.
Le dernier empereur, Aisin Gioro Pu Yi, plus connu sous le simple nom de Pu Yi, né en 1906, a abdiqué le 12 février 1912 et a résidé dans la cité interdite jusqu’en 1924. Sa vie jusqu’à sa mort en 1967, a fait l’objet d’un très beau film, « le dernier empereur » de Bernardo Bertolucci, sorti en 1987, entièrement tourné dans la cité interdite. Cette fresque historique a obtenu 9 oscars et a été tourné avec 19 000 figurants et 9 000 costumes.
La cité interdite était considérée par les empereurs comme le centre cosmique de l’empire Chinois et comme le symbole d’une monarchie universelle unique.
Les empereurs percevaient leur empire comme un territoire cerné par des peuples barbares infréquentables, aux mauvaises mœurs, à la piètre éducation et sans aucun sens du raffinement. Ils les considéraient comme des vassaux tout justes bons à s’acquitter périodiquement d’un tribut.
Le peuple appelait l’empereur – Huangdi – ce qui signifie « l’auguste dominateur » et éprouvait le plus grand respect à son égard, l’empereur étant le fils du ciel chargé d’un mandat céleste.
La cité interdite était organisée selon le principe d’un gouvernement dirigé par l’empereur avec un premier ministre, 6 ministères, des conseils privés et un conseil d’état.
La vie de la cité était ponctuée par les conquêtes de territoires, les campagnes menés par l’armée de l’empereur, l’enrichissement des empereurs, la gouvernance des ministères, les relations diplomatiques avec les voisins immédiats (Mongols, Mandchous, …) mais avec également les Occidentaux, les cérémonies et les banquets et par de nombreuses fêtes dont les plus importantes étaient :
-La fête du nouvel an durant laquelle on brûlait de l’encens en l’honneur des esprits et on tirait des feux d’artifice. A cette occasion, l’empereur recevait les félicitations des fonctionnaires, des princes et des gardes.
-La fête du printemps pendant laquelle un trône était offert à l’empereur.
-Le festin du bœuf pendant lequel étaient tenues des compétitions de luttes. Pendant cette période, l’empereur recevait les princes mongols voisins.
-La fête des classiques pendant laquelle les lettrés les plus illustres commentaient les grands textes classiques : les quatre livres, les cinq classiques de Confucius, le classique des rites, l’art de la guerre, le classique de la musique, …..
Certains empereurs, plus intellectuels que d’autres, tel l’empereur Kangxi qui fit compiler le 1er grand dictionnaire de la langue chinoise qui contient 49 000 caractères, firent imprimer, dans la cité interdite, de nombreux ouvrages dont notamment la 1ère encyclopédie chinoise en 1716.
D’autres empereurs, tel Pu Yi, tentèrent d’apporter un peu de modernité dans la cité, tant au niveau des installations que de la gouvernance.
4–Enuques, épouses et concubines
-Les eunuques
Devenir eunuque était la garantie d’une vie meilleure, confortable et dans laquelle l’eunuque pouvait espérer s’enrichir. La valeur d’un tel poste était importante car il pouvait permettre d’obtenir un pouvoir immense qui dépassait parfois celui du premier ministre.
Les eunuques étaient formés à l’école des eunuques où ils apprenaient à lire et à copier des documents officiels et des classiques de la littérature. L’évolution de carrière d’un eunuque au sein de ses pairs permettait, au plus brillants, d’amasser des fortunes colossales par le biais de pots-de-vin perçus, par exemple, sur les travaux de reconstruction et après que les eunuques aient volontairement provoqués des incendies dans la cité.
Les eunuques étaient répartis dans 24 directions et la concurrence entre eux était rude : la direction des cuisines, la direction des spectacles, la direction du cérémonial, ….
Ils géraient les denrées, les biens, le harem impérial, ils intriguaient et essayaient d’influencer l’empereur dans les campagnes menées par l’armée, dans les affaires gouvernementales pour acquérir toujours plus de pouvoir. Ils étaient bien souvent corrompus et ils faisaient régner la terreur chez les serviteurs honteusement exploité.
Ainsi les eunuques contrôlaient toute la bureaucratie impériale et l’eunuque, à la tête de la direction du cérémonial, était, de fait, un des plus influents personnages de l’état.
A la fin de la dynastie des Ming, il y eût jusqu’à 100 000 eunuques dans la cité interdite.
En 1912, ils n’étaient plus que 470.
-Epouses et concubines
L’empereur avait une 1ère épouse, l’impératrice, et de nombreuses autres épouses, généralement 4 à 5, ainsi qu’un très grand nombre de concubines choisies parmi la noblesse.
Sous la dynastie des Ming par exemple, la cité contenait dans le harem de l’empereur jusqu’à 20 000 concubines.
L’eunuque, en charge de la direction du harem de l’empereur, présentait à celui-ci un plateau d’argent sur lequel étaient réparties des plaques portant les noms de certaines concubines. Pour désigner la concubine choisie, l’empereur retournait la plaque de l’élue. La concubine prenait alors un bain, était enveloppée nue dans un épais manteau et amenée sur le lit de l’empereur.
La concurrence entre les concubines était acharnée, le but étant de devenir une des épouses officielles de l’empereur, puis si possible, d’obtenir le rang très convoitée de première épouse.
La jalousie entre les épouses était à son comble et, les épouses qui n’avaient pas le privilège d’être la 1ère épouse, faisaient tout pour le devenir.
Empoisonnements, morts et accidents suspects de concubines, d’épouses et d’enfants, conflits incessants entre concubines et épouses étaient monnaie courante et les eunuques apportaient leur aide afin d’obtenir toujours plus de privilèges et des récompenses des épouses et des concubines, si leurs actions malfaisantes aboutissaient et qu’elles obtenaient les faveurs tant espérées des empereurs.
Les empereurs pouvaient avoir jusqu’à 40 enfants nés des différentes épouses et concubines et cette grande famille était servie par environ 10 000 servantes et serviteurs.